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Mardi 11 juin 2019, 8h30, Toulon, Cité Guynemer

Comme tous les mardi, Fatma part travailler chez Madame H, pour l’aider à faire sa toilette, faire l’entretien courant de son logement, sa vaisselle, l’entretien de son linge et ainsi que ses courses.

Pourtant, ce jour la, c’est le drame…

1. Travailler en situation de guerre des gangs ?

Fatma entre chez son usager, et commence à travailler dans la chambre…. Quelques minutes plus tard, elle entend des coups de feu. Elle appelle son employeur, l’aide Sociale aux personne Âgées

Bonjour, c’est Madame K, je suis chez Mme H. Il y a des coups de feu, je suis dans la chambre, qu’est ce que je fais ? est ce que je sors ?  »

Madame K, intervenante lors de l’assaut

Non, mettez vous en sécurité. Restez dans la chambre cachée et vous restez allongée au sol et vous sortez pas tant que la police n’est pas arrivée. »

Amanda de l’Association ASPA, ayant reçu le premier appel de détresse par téléphone

En arrière plan, pendant la conversation téléphonique, deux autres coups de feu retentissent. On entend hurler dans l’appartement, des voix d’hommes et de femmes crient de peur.

L’association appelle les secours (Police, et pompiers) qui étaient déjà au courant, puis rappelle l’intervenante pour rester avec elle, jusqu’à l’arrivée des secours.

Depuis la salariée trouve une meilleure cachette : elle s’est enfermée à clé dans la salle de bain, là ou il n’y avait pas de fenêtre pour se mettre à l’abri de tirs perdus et se met au sol.

Je tremble trop je peu pas tenir le téléphone je vous rappelle. Je crois que c’est le fils qui est touché !

Madame K, intervenante de l’ASPA Toulon, lors de l’assaut

Une fois sauvée, elle est partie au plus vite et venu dans les locaux de l’association, qui suspend toutes ses interventions afin de se rétablir psychologiquement, et lui remet la carte de PROS-CONSULTE afin de parler avec un psychologue gratuitement afin de l’aider.

Le fils est effectivement touché au ventre, et a subi une intervention chirurgicale sur le champs. Les conditions de cette attaque n’ont pas été encore révélés. Vengeance, guerre de gang ? Nous en saurons peut-être plus dans peu de temps.

Dans un communiqué, le maire de Toulon, Hubert Falco (LR) a déploré un « nouvel événement perpétré sur fond de trafic de drogue et de rivalités entre bandes », jugeant « indispensables » « les moyens promis par le ministre de l’Intérieur après 4 ans de sollicitation et de mise en garde de la part des élus locaux ».

Plus d’informations sur 20 minutes, Var matin

2. Un « contrôle aux frontières » effectué par les jeunes des cités filtre les entrées-sorties

Toujours dans cette même cité, dans le même bâtiment, l’association ASPA est contactée par le CCAS qui ne peut plus intervenir sur ce secteur. Cet usager, Madame C. a besoin d’une aide aux changes, de l’aide aux repas et un peu d’entretien courant du logement.

Par soucis de sécurité envers ces usagers, les dates de ces faits et noms ne sont pas communiqués.

L’association se déplace donc pour sa première évaluation des besoin au domicile de Mme C. , avec une stagiaire pour apprendre le métier de responsable de secteur et apprendre à faire des évaluation des besoins à domicile.

Vers 15h00, à son arrivée, connaissant un peu les problématiques, la responsable décide de ne pas se garer à l’intérieur de la cité, mais un peu plus loin, dans un parking publique. Jusque là rien d’alarmant… sauf qu’au retour celle-ci retrouve les 2 rétroviseurs rabattus vers l’extérieur… dont 1 a été cassé…

Le soir, j’ai demandé à mon père de voir ce qu’il pouvait faire. Il a réussi à remettre un rétroviseur…(triste) mais le circuit électronique de l’autre rétroviseur a été cassé. Il a fallu le changer.

Je ne comprend pas car ma voiture n’est pas du tout neuve… c’est vraiment pour le plaisir de casser…

Mélanie J, Chargée d’évaluation et de Plannings, ASPA Toulon

A son arrivée en bas de la cité, il y a une chaine pour empêcher de faire passer les voitures, un jeune lui fait un interrogatoire :

Vous allez chez qui ? C’est quel nom exactement ? c’est à quel étage ?

Jeune de la cité effectuant les contrôles des « entrées-sorties »

Mélanie, la responsable, répond calmement aux questions pour éviter de perdre du temps, même si elle sait bien que cette personne n’a pas le droit d’avoir ces renseignements.

Je savais que de toutes façon, soit je répondais aux questions… soit je ne pouvais pas rentrer

Mélanie J, Chargée d’évaluation et de Plannings, ASPA Toulon

Le jeune lui ouvre alors les grilles et le stress monte pour les responsables qui doivent passer entre tous les jeunes errants assis. Elles se dirigent vers l’ascendeur et de nouveau, un autre jeune leur refait un interrogatoire pour savoir de nouveau chez qui elles vont et pourquoi…

Le second jeune les amène à l’ascendeur, appui sur l’étage, attend l’ascendeur, appui sur l’étage et attend que l’ascendeur se referme…. Une situation qui ne rassure guère les évaluateurs de l’ASPA, mais qui décident d’aller tout de même jusqu’au bout, pour rencontrer le futur usager et faire leur travail.

L’évaluation se passe à merveille, l’usager est ravi qu’on puisse enfin lui apporter de l’aide.

Au retour, les responsables demandent si l’usager peut les raccompagner.

Ah, vous auriez pas du passer par là, on va passer par derrière pour sortir. Les prochaines fois passez aussi par derrière. C’est plus long mais comme ça il n’y a pas de problème.

… en fait, ces jeunes ne sont pas la le matin, il n’y pas de problème généralement le matin car ils dorment. Le pire c’est que ce ne sont pas des jeunes de notre cité pour la plupart, mais qu’ils viennent d’autres cité, juste pour leur trafic…

Usager ayant reçu l’évaluation à domicile


L’association est intervenu pendant des années dans cette cité, même si le recrutement est très difficile.

Il était déjà très difficile de trouver du personnel qui accepte de travailler la bas, mais maintenant, c’est impossible… Alors que pourtant, en général, il n’y jamais de problème avec les usagers eux même, qui ont vraiment besoin d’aide, c’est l’environnement pris d’assaut qui est problématique… cette zone de non droit…

Mélanie J, Chargée d’évaluation et de plannings, ASPA Toulon

Suite aux incident du 11 Juin 2019, les intervenants maintenant refusent d’intervenir la bas…. alors que la plupart y travaillait depuis pour certaines depuis plus de 5 ans…

Vous comprenez, j’ai tenu jusque maintenant car je ne pouvais pas laisser madame H. comme çà. C’est une dame qui a vraiment besoin d’aide… mais, là je vais vous dire la vérité… J’en peux plus… Çà devient horrible… Je préfère que vous me licenciez plutôt que de retourner la bas.

Madame Aïcha E., intervenante en CDI depuis 2012, à l’association ASPA

J’ai essayé… Cette dame est d’une gentillesse énorme et nécessite une aide… mais c’est trop dur de travailler dans ces conditions…

Mafi M., intervenante en CDI depuis 2017, à l’association ASPA

Pour aider cette personne, la chargée de dossier a tenté en vain de trouver une autre structure pour intervenir sur ce dossier….

J’ai contacté 3 structures infirmier qui ont refusé uniquement à cause de l’endroit…. Il ne veulent plus intervenir là-bas..

Mélanie J, Chargée de dossier Évaluations et plannings, Association ASPA Toulon

3. Une difficulté croissante d’intervention dans les cités.

Ces deux situations qui relatés aujourd’hui pour cette cité, sont deux situations banales dans ce genre de cité….

Le problème, qui s’est soldé par ces tirs de balle, ou encore ce « contrôle » des entrées-sorties nous fait presque penser à un film, une histoire de guerre de gang de néo trafiquants, … Et pourtant non! Cette histoire est réelle et mets une fois de plus en évidence la difficulté d’aider les personnes « normales » à vivre dignement dans ces cités.

Déjà, en 2016, SOS médecin avait alerté de cette situation en indiquant que dans certains quartiers de Marseille, ils n’interviennent plus….

Selon le Dr Muller, « la difficulté de recrutement est directement liée à la forte féminisation du métier. Nous sommes souvent amenés à aller seuls dans des endroits pas très sécurisés et donc pour les filles, à mon avis, c’est moins adapté….

…Dans les quartiers nord, vous êtes contrôlés à l’entrée et à la sortie par des guetteurs.

Dr Muller, SOS Médecin, Le Parisien, 30 Mai 2016

Il règne un état de non droit qui se développe maintenant dans nos villes, et ce de plus en plus rapidement… Certaines personnes prennent possession des lieux publics pour en faire un terrain de jeu, ou plutôt de trafic.

Nous alertons une fois de plus les pouvoir publics sur la difficulté d’intervention qui est de plus en plus croissante dans ces cités et demandons à l’état d’essayer de trouver d’autres solutions.

Les solutions qui ont été mises en place jusqu’à présent ne semblent pas avoir porté ces fruits… et pourtant des gens ont réellement ont besoin d’aide.

Les salariés ont conscience réelle de ce besoin d’aide urgente dans les actes de la vie courante, mais ne veulent plus intervenir dans ces conditions.



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